« L’enfermement est une punition » (Le JDD)

Malgré ses envies de liberté, la comédienne et chanteuse reste sage et s’occupe chez elle, entre musique, rituels et réseaux sociaux.

Fin janvier, elle était membre du jury du festival de Gérardmer, consacré au cinéma fantastique. Aujourd’hui, le monde entier vit un scénario de film d’horreur. Arielle Dombasle a la nostalgie de son séjour dans les Vosges. « Tout était encore gai. Mais il y avait Vivarium, qui racontait des individus prisonniers de leur domicile. C’était de la fiction. Là, nous la vivons en quelque sorte. » L’actrice et chanteuse, qui a « tendance à refuser les diktats », admet que l’idée du confinement lui a d’abord été pénible : « L’enfermement est une punition. Mais je suis sage et je m’y conforme. Il faut être responsable. »

Elle dit avoir refusé de quitter Paris « par solidarité » et garde le moral dans son appartement du centre de la capitale. « Comme la plupart d’entre nous, je pensais au début qu’il s’agissait d’une sorte de paranoïa généralisée, que ça durerait très peu de temps, que ce virus n’était pas plus grave qu’une simple grippe. Mais il est inconnu et pervers. Ce qui est nouveau, et très anxiogène, c’est de suivre le décompte des morts aux quatre coins du monde quasiment heure par heure. »

Pour ne pas se laisser envahir par la peur, Arielle Dombasle dit se préserver des chaînes d’information en continu, préférant regarder une fois par jour le journal télévisé. « Je me garde de la tyrannie de l’immédiat, comme l’écrit si bien Jonathan Curiel dans son livre [Vite !, cher Plon], que je suis justement en train de lire. » Pour s’éaérer, elle profite de son balcon. Le soleil entre par la porte-fenêtre, elle voit le ciel et des arbres. « J’ai aussi de la glycine et une rose à mon nom, « Arielle Dombasle », en boutons, raconte-t-elle. Parfois, une corneille vient me rendre visite et effraie mon chat, Little Siam. Lequel est ravi de m’avoir sous la main matin, midi et soir. Il commande et je m’exécute ! » Pour le reste, elle a essayé de ne pas modifier ses petits rituels. Elle continue de se lever tôt et de prendre « deux ou trois bains par jour ».

Toujours élégante pour BHL

Autre habitude, celle de rester élégante en toutes circonstances. Pour elle et pour son mari, Bernard-Henri Lévy, confiné à ses côtés. « Je pars du principe que rien n’est acquis en amour. Il faut toujours éblouir, surprendre et se faire désirer. Alors je ne vais pas traînailler en pyjama… » Même si son philosophe d’époux s’isole pour travailler. « Bernard-Henri est certes un grand voyageur, aventurier et conquérant, toujours par monts et par vaux, mais cela ne change guère pour lui car un écrivain est toujours à son bureau », observe-t-elle. Chacun vit sa journée avec liberté et respecte l’espace de l’autre. Ils se retrouvent pour le meilleur. « Sans enfants, nous menons une vie privilégiée d’amoureux et nos conversations sont infinies, murmure-t-elle. C’est voluptueux. »

Dans ce moment suspendu, l’artiste multiple s’active, monte les clips extraits de son nouvel album pop-rock-électro réalisé avec Nicolas Ker, Empire (Universal/Barclay). A cause du Covid-19, sa sortie a été repoussée au 19 juin. Le premier titre, disponible sur les plateformes musicales, s’est révélé prophétique : Just Come Back Alive (« revenez juste en vie »). « C’est notre souhait premier, notre prière pour tous ceux qu’on aime. » Elle fait également ses vocalises, organise des FaceTime avec ses musiciens, tandis que Nicolas Ker l’initie à distance à des jeux vidéo sanglants ! Elle envoie aussi des cœurs à ses amis sur Instagram, regarde des documentaires animaliers ou une comédie musicale de Stanley Donen, divague sur Netflix et Canal+ pour rattraper son retard côté séries. Elle a ainsi adoré Downtown Abbey, Les Tudors et Mad Men et se dit tentée par La casa de papel et Validé.

« Les Grosses Têtes » et la mythologie grecque

Mais à l’heure de Pâques, la très catholique Arielle Dombasle se dit blesée par la fermeture des églises. « Parce que c’est le dernier refuge. Quand le pape a appelé à la prière collective, je l’ai faite. J’aimais l’idée dune communion planétaire simultanée. » Et puis elle écoute de la musique, des airs sacrés, des cantiques, des requiem, des spirituals. Mais aussi du rock, particulièrement britannique, le grand inspirateur de son album.

Sa seule sortie la conduit à l’enregistrement de l’émission de RTL Les Grosses Têtes. Une participation sous étroite surveillance : prise de température avant d’entrer en studio, pas de public et 2,50 mètres de distance entre deux intervenants. « Mais c’est ma bouffée d’oxygène, le rire est thérapeutique. » Elle garde le contact avec l’extérieur grâce à Skype et WhatsApp pour discuter avec son frère resté au Mexique, où ils ont passé leur enfance. Parmi ses bonnes résolutions de confinement, elle a décidé de se remettre au piano, de relire Théogonie d’Hésiode, « pour tout savoir de la mythologie grecque », et d’étudier la géographie, « pour connaître le nom de tous les fleuves. »

Ce qu’elle compte faire à l’issue de la crise sanitaire ? « Revoir mes amis, les embraser. Reprendre les répétitions avec mes musiciens avant mes concerts. Et nager, car l’eau me manque terriblement. Même si je me sens bien là où je suis, je rêve de la liberté retrouvée d’aller et venir. »

Stéphanie Belpêche

Sa Playlist

Le Pie Jesu du Requiem de Gabriel Fauré (1887-1901)

J’adore la musique sacrée, elle me transporte violemment. J’ajouterais l’Ave Maria, Le Miserere d’Allegri et la Messe en si de Mozart. Je suis née du classique, qui n’en finit pas de m’éblouir.

Heroes, David Bowie (1977)

Un titre complètement de circonstance. Nous sommes tous des héros modernes qui faisons preuve de résilience face au virus en acceptant de rester enfermés.

Skeleton Tree, Nick Cave and the Bad Seeds (2016)

C’est la dernière chanson de l’album déchirant du même nom, que Nick Cave a écrit après la mort de son fils. Je l’ai écouté en boucle pendant les trois ans de travail pour mon disque. Je pleurais tellement c’est beau.

Son livre confiné

Sur ma table de nuit, il y a un recueil de poésies composées par ma grand-mère, Man’ha Garreau-Dombasle. Je me replonge aussi souvent dans les classiques : Baudelaire éternellement, mais aussi Rimbaud, Verlaine, Saint-Simon, Molière ou les libertins du XVIIème siècle.

Son projet

A la sortie du confinement, je reprendrai ma campagne Pick Up the Plastic pour sauver les océans. Un titre de mon album permettra de reverser à la Fondation Nicolas Hulot 1 euro pour chaque exemplaire vendu.

Arielle Dombasle dans le JDD du 26 avril 2020

Découvrez « Le Grand Hôtel » le deuxième extrait d’Empire, le nouvel album d’Arielle Dombasle & Nicolas Ker (sortie le 19 juin 2020) :